KHK SE BAT POUR VOUS : L’ETAT RECONNU FAUTIF !

KHK SE BAT POUR VOUS : L’ETAT RECONNU FAUTIF !

Du prêche dans le désert à une première action concrète

L’état de délabrement de notre justice et ses dysfonctionnements structurels, ne datent assurément pas d’hier…

Ils ont - et sont encore toujours - dénoncés sur tous les tons, depuis des années, sans être pour autant entendus.

C’est un peu comme si l’on prêchait dans le désert ou qu’on parlait à un mur avec, pour tout écho, un assourdissant « cause toujours ! »...

Las de cette situation de maltraitance de tous les acteurs de la justice, en toute impunité, notre cabinet a fini par décider de passer à l’acte.

Par citation du 5 octobre 2022, la responsabilité du ministre de la justice a été mise en cause.

Une façon comme une autre d’utiliser les outils de la démocratie tant qu’elle tient debout.

Une façon comme une autre de dénoncer la violation devenue intolérable d’un de nos droits les plus fondamentaux, celui de l’accès, dans un état de droit, à une justice efficiente rendue dans un délai raisonnable et … utile.

Ce fut le combat du cabinet KHK, mené par Me Nadine Kalamian avec la Ligue des familles et deux dizaines de nos clients.

 

  • Que demandait-on exactement ?

Notre demande ? Faire constater que la responsabilité de l’Etat belge est engagée sur pied de l’article 1382 ancien du Code civil et obtenir sa condamnation à réparer le dommage causé.

Certains d’entre vous se demandent peut-être sous quelles casquettes nous avons agi. Si la réponse est évidente pour les 19 justiciables et la Ligue des familles, il est intéressant de relever que les 11 avocates spécialistes du droit de la famille du cabinet KHK ont agi en leur qualité d’actrices de la justice, confrontées à des dysfonctionnements dommageables.

Grâce au travail acharné, pointu, rigoureux et extrêmement bien charpenté de Me Audrey Despontin et de Me Audrey Lackner - à qui nous rendons ici un vigoureux hommage - nous avons été entendus.

Le jugement rendu le 15 décembre 2023 par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, nous a donné pleinement raison : l’Etat est déclaré fautif !

 

  • Aucune excuse : toutes les objections et les arguments soulevés par l’Etat belge ont été rencontrés

 

-> Avant toute chose, l’Etat belge a décliné le pouvoir de juridiction des Cours et tribunaux de l’ordre judiciaire en invoquant le principe de la séparation des pouvoirs.

Le tribunal a rappelé que le contentieux de la responsabilité civile de l’Etat belge relève bien de la compétence exclusive des Cours et tribunaux de l’ordre judiciaire.

 

-> Ensuite l’Etat a aussi soutenu que ni les justiciables ni la Ligue des familles ni les avocates demanderesses n’avaient qualité ou intérêt à agir.

Là encore, le tribunal a balayé ces arguments et a déclaré l’action recevable.

 

-> Quant au fondement, le tribunal n’a eu de cesse de marteler que l’Etat belge est bel et bien tenu, en vertu d’une obligation légale, de prendre toutes les mesures nécessaires pour remplir les cadres légaux A 100% et non au gré de sa fantaisie.

Cette obligation implique nécessairement, dans son chef, celle de publier toutes les places vacantes, à chaque fois que l’occasion se présente.

Après avoir examiné toutes les « excuses » avancées par l’Etat pour échapper à cette obligation, le tribunal les a réfutées une à une et a conclu en ces termes :

« Le refus depuis plusieurs années de publier systématiquement toutes les places vacantes de magistrats et de greffiers, est contraire aux articles 43 à 60, 63 et 66 de la loi du 6 janvier 2014, aux lois déterminant les cadres du personnels des Cours et tribunaux précités, à l’article 108 de la Constitution et au principe de l’égalité tel qu’il découle des articles 146 et 157, al. 2 e.s. de la Constitution.

L’obligation de publication des places vacantes étant une obligation de résultat, et les cadres légaux s’imposant au ministre de la justice, la violation de cette obligation est susceptible d’être constitutive d’une faute au sens de l’article 1382 de l’ancien Code civil ».

 

-> Avec une motivation implacable, le tribunal a souligné que « Le pouvoir exécutif ne peut se prévaloir de motifs budgétaires pour se soustraire à son obligation d’exécuter les lois déterminant le cadre du personnel des Cours et tribunaux ».

 

-> Aussi, c’est en vain que l’Etat belge a tenté de soutenir que les dispositions légales et réglementaires qui déterminent le nombre d’effectifs statutaires de l’ordre judiciaire ne fixent, en réalité, qu’un effectif « maximal » ou une sorte de « limite » dans le respect de laquelle le pouvoir exécutif disposerait d’une certaine « marge d’appréciation » lui permettant, en vertu de son « rôle central de coordinateur » et en prenant en considération « les circonstances réelles et les besoins des juridictions », ainsi que de « nombreux facteurs », de ne pas chercher une occupation totale des cadres légaux , ce qui serait, selon l’Etat belge, contre-productif…

 

En vain, l’Etat belge a tenté de se prévaloir d’un prétendu pouvoir d’adapter la loi en fonction de sa politique du moment.

 

  • Faute, il y a …

 

La réponse est claire : la loi s’impose à l’Etat, comme à tous les justiciables. Ne pas respecter la loi, constitue une faute susceptible d’entraîner un dommage qui mérite réparation.

Les fautes de l’Etat belge ont été stigmatisées comme consistant à ne pas avoir systématiquement publié l’intégralité des places vacantes et à ne pas avoir dès lors rempli les cadres légaux et réglementaires.

Dont acte.

 

  • Violation des articles 6 et 13 de la CEDH, il y a…

 

Il s’ensuit, précise le jugement, « qu’il est établi que le taux de remplissage actuel des cadres induit bien une violation des droits fondamentaux des justiciables tels que celui de voir leur cause être traitée dans un délai raisonnable.

 

Les fautes de l’Etat belge ont donc bien « un impact négatif direct » sur le délai d’accès à la justice, ainsi que sur les conditions de travail des avocats. ».

 

  • Dommage, il y a… la réparation s’impose

 

  • Dix-huit des dix-neuf requérants justiciables ont obtenu gain de cause et leur dommage moral a été reconnu et sanctionné.

 

Les montants réclamés étaient symboliques, le combat mené l’ayant été sciemment pour, d’abord, défendre des questions de principe et non un dommage matériel effectif et propre à chaque cas d’espèce.

 

Rien ne nous empêche de creuser ces questions dans nos différents dossiers et de proposer réparation à nos clients par le biais de telles actions ! A méditer ?

 

  • Les onze avocates requérantes du cabinet KHK ont obtenu, au titre de dommage moral, l’euro symbolique réclamé.

 

  • Enfin, l’ASBL Ligue des familles a obtenu la condamnation de l’Etat belge à publier « par les voies légales actuelles, dans un délai de trois mois à dater de la signification du jugement, l’ensemble des places des magistrats, de greffiers et de membres du personnel des greffes vacantes à la date du 26 septembre 2023, le tout sous peine d’une astreinte de 1.000 € par jour et par place inoccupée dont la vacance n’a pas été publiée dans ce délai ou ne fait l’objet d’aucun appel à candidature dans ce délai avec un maximum de 250.000 €».

 

  • Last but not least

 

Ce jugement reconnaît pour la première fois que l’arriéré judiciaire découlant de la faute de l’Etat a un impact négatif structurel sur les conditions de travail des avocats.

Le tribunal va même plus loin en stipulant que « La faute de l’Etat belge nuit de manière structurelle à l’exercice efficient de la profession d’avocat ».

On peut pousser le raisonnement un peu plus loin et souligner que la faute de l’Etat entraîne également un impact négatif structurel sur les conditions de travail des magistrats, des greffiers et du personnel administratif de l’ordre judiciaire.

En effet, comme dénoncé depuis le départ, ces autres acteurs de la justice sont eux aussi malmenés par l’Etat belge et travaillent dans des conditions de pénibilité accrue inadmissible et combien contre-productives.

 

  • Et maintenant ?

Ce jugement viendra-t-il simplement s’ajouter à la longue liste des nombreuses condamnations de l’Etat belge ?

Il n’est en tout cas pas question de s’arrêter là. L’objectif n’est pas de collectionner les jugements, mais d’obtenir que la voix de la raison soit entendue par nos gouvernants.

Les élections approchent et il est désormais de notre devoir de défendre nos valeurs haut et fort et d’obtenir qu’elles soient défendues aussi par ceux à qui nous accordons nos suffrages.

L’Ordre des avocats réfléchit à l’heure actuelle, sous l’impulsion de notre cabinet, aux suites concrètes à donner à ce jugement.

 

 

Qui, mieux que les avocats, peuvent défendre ces valeurs fondamentales et faire bouger les choses ?

 

 

Nadine KALAMIAN

février 2024

 

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KHK avocats
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